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Compte rendu du livre :

Les Origines de la France.

Quand les historiens racontaient la nation,

de Sylvain Venayre,

Seuil (L’univers historique), 2013.
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        L’identité française ? Vaste fumisterie, serait-on tenté de s’exclamer après avoir lu ce livre d’une parfaite maîtrise historiographique. Souvenez-vous, il y a quelques années, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un débat sur l’identité nationale était lancé dans l’arène politique. Nombre de journalistes, d’hommes politiques et d’intellectuels en tout genre se tournèrent alors vers l’histoire de France avec l’idée qu’elle seule pouvait nous dire la vérité sur ce pays. En particulier, l’étude de l’origine de la France devait permettre de définir son essence.
        Mais d’où vient cette idée qu’il faut se tourner vers l’histoire de la France, et notamment ses origines, pour découvrir son identité ? Faire l’histoire de cette fausse évidence est justement ce à quoi s’attelle Sylvain Venayre dans ce livre. Le voilà donc parti relire ces historiens qui, du xviiie au xxe siècles, se mirent en quête des origines de la France : les frères Augustin et Amédée Thierry, François Guizot, Jules Michelet, Edgar Quinet, Numa Fustel de Coulanges, Paul Vidal de la Blache, Ernest Lavisse, Camille Jullian et d’autres encore. Il en tire de fines analyses des « théories » ou « systèmes » qui tentèrent d’élucider le mystère des origines et le « fil d’Ariane » de l’histoire de France.
        On y voit ainsi la France trouver ses origines tantôt du côté de Rome, des Gaulois ou des Francs, tantôt dans le baptême de Clovis ou dans la révolution communale du xiie siècle. L’intérêt de l’ouvrage est de montrer comment ces conceptions ont évolué chez les historiens qui les ont défendues, comment elles s’articulent les unes par rapport aux autres, et comment elles ont été réfutées par les historiens des années 1930. On y voit aussi comment cette dénonciation de l’« idole des origines » ne l’a pas empêchée de continuer à nourrir des débats publics, notamment ceux tournant autour de la confuse notion d’identité nationale. En tout cas, grâce à l’histoire que l’auteur en propose dans ce livre, on comprend mieux maintenant pourquoi il faut s’en méfier.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 250, juillet 2013.

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Autres livres à signaler :

—  Claude Nicolet, La Fabrique d'une nation. La France entre Rome et les Germains, 2003.

—  André Simon, Vercingétorix et l'idéologie française, 1989.